En ce vendredi matin, je me lève le cœur léger et l’âme généreuse. Ouf! Cette intense semaine de travail touche presque à sa fin et j’ai envie de gâter mes collègues (expression très utilisée ici) avec quelques viennoiseries pour le petit déjeuner.
En quittant la maison, je me rends donc à la Brioche à tête, une petite boulangerie française de notre quartier, connue pour le croustillant de ses croissants et le moelleux de ses brioches.
Il est à peine 8 heures mais les lieux ont déjà été pris d’assaut par les clients les plus matinaux. La brioche « familiale » que j’avais prévue d’acheter est encore en train de gonfler dans les fourneaux, alors je commande deux croissants, deux « chocolatines » (il semblerait qu’au Québec, l’éternel débat entre « pain au chocolat » et « chocolatine » ait été massivement gagné par cette dernière !) et quatre petites brioches « à têtes » (ce sont ces fameuses petites brioches constituées de deux boules superposées, la plus petite surmontant la plus grosse).
Seulement voilà! Au moment de payer la douloureuse, qui avoisine les 20 dollars, je m’aperçois que l’enseigne n’accepte que les cartes de débit! Gloups! Je n’ai qu’une carte de crédit (ils font sans arrêt la différence entre ces deux types de carte ici) et malheureusement, je n’ai pas de liquide sur moi. Dans l’incapacité de payer la note, je me confonds en excuses et indique au vendeur que je vais aller retirer de l’argent au plus vite. Mais alors que je m’apprête à sortir, celui-ci m’interpelle aimablement pour me dire: « N‘oubliez pas vos croissants, prenez-les avec vous! »
Quoi? Je n’ai pas payé, il ne me connait pas et il me laisse partir avec une commande de 20 dollars? Hum, est-ce qu’ils sniffent leur farine ici? J’en reste bouche bée! Après dissipation du choc, je pars un peu affolée à la recherche d’un distributeur. Arrivée sur l’Avenue du Parc, je commence par trouver portes closes chez Jean Coutu (la méga-enseigne qui fait pharmacie ET épicerie ET distributeur) qui n’ouvre pas avant 9 heures. Heureusement, il y a une banque en face mais c’est un nouvel échec car ma carte n’est pas acceptée par le distributeur (bizarre!). Parallèlement et inexorablement, l’heure tourne. Si ça continue, je vais arriver au travail à l’heure du lunch et plus personne n’aura envie de mes croissants! Mais quelle idée j’ai eue! Dernier espoir, j’aperçois une enseigne de la RBC, la banque canadienne à laquelle je suis rattachée (mais pour laquelle je n’ai pas de carte de crédit, juste une carte de retrait. Oui, je sais, c’est compliqué!). Je fonce vers le distributeur et lui offre donc ma carte de retrait. Un message d’erreur indique que l’opération n’a pas pu être traitée! Grrr, mais ce n’est pas possible! Si cette machine ne veut pas de ma carte, c’est bien simple, je lui fais avaler mes croissants ! Allez, restons zen. Je sors ma carte de crédit (la toute première, celle qui est l’origine de tous mes maux) et demande un retrait de 30 dollars. Un nouveau message d’erreur indique que l’appareil ne peut délivrer que des montants multiples de 20 dollars. Alors que mes chocolatines sont à deux pouces d’arriver dans la face de cette maudite machine, je procède à une nouvelle demande, de 40 dollars cette fois-ci. La machine accepte l’opération (ce n’est pas trop tôt!) puis mentionne qu’elle prendra des frais pour ce retrait. Non mais elle croit vraiment qu’elle a mérité un pourboire en plus?
Mon argent en poche, je retourne au pas de course à la Brioche à tête où je refais la queue pour payer ma dette. Je donne un billet de vingt dollars et je sors le maximum de ma petite ferraille pour offrir un modeste pourboire au vendeur qui a été si gentil et confiant avec moi.
Alors que je prie le de bien vouloir garder la monnaie, le vendeur me fait un large sourire et me dit: « Merci, c’est très gentil et merci beaucoup d’être revenue pour payer! ». Pour la deuxième fois en une heure, je reste bouche bée! « Euh, c’est normal, non!? ». Il me répond « Ah non non, vous savez, tout le monde ne serait pas revenu exprès pour payer! ». Abasourdie par sa remarque, je rebondis en lui répliquant « Vous savez, en France, on ne m’aurait tout simplement pas laissée partir avec mes achats sans avoir payé! ». Et ce à quoi il conclut « Oui, je sais, nous aussi, nous venons de France, mais on ne fonctionne pas comme ça ici. En tout cas, merci beaucoup et passez une excellente journée! ».
Alors que toute cette histoire partait très mal, ce dernier passage a fait retomber d’un seul coup le stress, l’agacement et la folie furieuse qui avait commencé à m’atteindre ! Ce que j’ai appelé « L’expérience du croissant » m’a montré qu’ici, à Montréal, avant de se méfier de toi, on te donne une chance et on te fait confiance. Avant de voir le mal en toi, on voit d’abord le bon. Avant de te prendre pour un voleur, on t’excuse d’être un client étourdi. Bon, soyons clair, ceci n’aurait pas été possible au Starbuck du coin mais je ne peux m’empêcher de penser qu’en France, on a tendance à être un peu trop méfiants et négatifs…
Et vous, qu’en pensez-vous? Je sais: vous seriez bien tentés par un p’tit croissant tout frais!
Ça a du te faire bizarre…mais en bien. C est agréable. C est super de pouvoir rencontrer des commerçants comme ça.
Mmmh ces croissants et brioche font très envie avec un bon chocolat au lait
On n’a pas encore eu l’occasion de goûter les croissants mais les brioches sont vraiment très bonnes! Moelleuses, aériennes et bien parfumées!
Tu as vu ta tête, Emilie, ya comme une auréole au-dessus! Alors, bien sûr, il savait que tu reviendrais!
C’est une très belle leçon !
Oui, les rapports humains simples et bienveillants ça fait du bien !! mais l’histoire ne dit pas si les croissants et les brioches étaient aussi délicieux qu’ils en ont l’air !?