Cela ne sera ni le premier ni le dernier phénomène étrange auquel nous aurons assisté à Montréal. Au milieu de l’été 2018, nous avons entendu parler dans la presse et sur les réseaux sociaux d’un événement majeur sur Montréal, aussi impatiemment attendu que le rappel d’une rock star à la fin d’un concert.
Le jour J, des Montréalais se sont rendus par milliers par centaines au 1408 Rue Pierce, pour assister à l’ouverture de la boutique de l’Uncle Tetsu et courir la chance de repartir avec un produit de sa fabrication. A cet instant, vous ne savez absolument pas de quoi je parle (nous non plus à l’époque) et vous êtes décidément convaincus qu’au pays des Bisounours, on s’emballe facilement pour un rien. Votre réaction est tout à fait normale.
Explication. En 1990, Tetsushi Mizokami ouvre une pâtisserie au Japon qui deviendra très rapidement célèbre pour ses…cheesecakes! Vous connaissez déjà le fameux cheesecake New-Yorkais (si ce n’est pas le cas, dépêchez-vous de lire cet article sur notre blog) mais saviez-vous qu’il existait une version japonaise de ce gâteau? A l’époque, le succès d’Uncle Tetsu est tel que des succursales commencent à pousser comme des petits raviolis au Japon et plus largement en Asie. Et lorsque tonton décide de s’implanter en dehors des frontières de l’Asie, c’est au Canada qu’il choisit de poser son cul de poule et son batteur électrique, à Toronto en 2015 puis à Vancouver. Montréal aura dû attendre 2018 pour être à son tour choisie comme terre d’accueil du messie fromagé.
Le jour de l’ouverture, la pâtisserie a été frappée par un tsunami de visiteurs gourmands, curieux et impatients d’avoir leur part du gâteau. L’engouement était tel que durant les premières semaines suivant l’ouverture, il fallait compter au moins deux heures d’attente avant de pouvoir s’offrir son cheesecake à 12 dollars. Il était même conseillé aux derniers clients de la journée d’arriver au plus tard à 18h, pour être sûr d’être servis avant la fermeture à 20h. De plus, chaque client ne pouvait repartir qu’avec un seul gâteau, afin qu’il y en ait pour tout le monde (les gâteaux étant exclusivement préparés sur place puis vendus le jour-même).
Mais alors, qu’a donc de si particulier ce cheesecake japonais pour qu’on fasse deux heures de queue juste pour lui? Simple buzz? Ou est-ce qu’il s’agit effectivement d’un gâteau exceptionnel dont la première bouchée vous coupe le souffle et les jambes ? Pour nous, le seul moyen de le savoir était d’ouvrir une enquête spéciale. En voici le compte-rendu.
Etape 1. Se renseigner sur ledit gâteau.
Le cheesecake japonais est composée d’une liste réduite d’ingrédients simples, rigoureusement sélectionnés pour leur qualité et leur fraîcheur : du fromage à la crème, des œufs, du beurre, du sucre et de la crème. On n’a pas dit que c’était light, ok?!
Etape 2. Se rendre sur place.
Il aura fallu attendre la Toussaint (soit 3 mois!) pour que l’affluence réduise raisonnablement aux abords de la boutique de Montréal, et pour que la restriction « Pas plus d’un gâteau par personne » soit enfin levée. Toutefois, c’est à ce moment-là que nous sommes partis à New-York, avec l’objectif de découvrir d’autres spécialités culinaires, comme le cheesecake New-Yorkais. Entre temps, avec l’arrivée du froid, nous avons mis notre enquête de côté, engagés sur d’autres études plus essentielles, comme « Où boire un bon chocolat chaud à Montréal?« .
Nous avons finalement réouvert l’enquête pendant les fêtes, période pendant laquelle l’Uncle Tetsu, comme tous les pâtissiers, a travaillé dur pour faire son beurre! La veille de Noël, les Montréalais fâchés avec la traditionnelle bûche, en panne d’inspiration ou tout simplement très en retard dans leurs courses de Noël pouvaient venir chercher leur cheesecake jusqu’à 23h! Un horaire également pratique pour tous les maladroits susceptibles de faire tomber le dessert par terre, juste au moment de le servir. Oh mince, la jolie bûche sans oeufs-sans beurre-sans sucre (et sûrement sans goût) de tata Odile…Elle est toute explosé par terre. Et tiens, c’est bizarre, le chien ne s’est pas jeté dessus pour la manger…Mais pas de panique, Uncle Tetsu est encore ouvert!
Bref, quelques jours après Noël, nous profitons donc d’une petite virée culturelle au musée des Beaux-Arts pour faire un crochet jusqu’à la fameuse pâtisserie. La boutique est toute petite. L’atelier de fabrication est visible des visiteurs. Plusieurs employés, tous d’origine asiatique, s’affèrent à leur poste respectif. L’un d’entre eux est en train de marquer au fer chaud des cheesecakes tout frais, à l’effigie de l’oncle Tetsu. Nous repartons tout fiers, avec notre joli sac.
Etape 3. Goûter.
Croyez-le ou non, en rentrant à la maison, nous ne nous précipitons même pas vers le tiroir à ustensiles (= les couverts, ici) pour attaquer notre cheesecake. Il faut dire qu’il nous reste quelques petits biscuits alsaciens à la cannelle faits maison, qui se prêtent bien au Tea Time. Nous trouvons donc un emplacement douillet à notre invité sur une des étagères du réfrigérateur. Nous lui laissons ainsi quelques heures de répit, avant d’en faire notre dessert le lendemain, pour le déjeuner. Sur le côté de la boite, des instructions indiquent dans un franglais maladroit de faire réchauffer le gâteau quelques secondes au micro-ondes, pour révéler tout son moelleux. Hum…Le réchauffage au micro-ondes, ce n’est pas très glamour pour une pâtisserie quand même. Et puis comment fait-on lorsqu’on n’a pas de micro-ondes? On s’adresse au SAV de la boutique?
Allons bon, pour les besoins de l’enquête, nous devons rester un minimum conciliants, afin de juger l’objet de notre étude dans les meilleures conditions possibles. Jc coupe deux belles tranches. Le couteau glisse dans la génoise comme dans du beurre. Un premier bon point, qui annule le mauvais point précédent. Quelques secondes au micro-ondes plus tard, il est temps de goûter. Le gâteau dégage une très légère odeur de fromage à la crème. Je saisis ma cuillère (pas besoin de baguettes ici) et la plonge délicatement dans la part. Un bruit mousseux se fait alors discrètement entendre. Vous savez, c’est ce bruit si caractéristique que l’on entend lorsqu’on plonge dans une baignoire débordant de bain moussant ou lorsque qu’on laisse accidentellement une cuillère s’évader dans un saladier XXL de mousse au chocolat. C’est encore un bon point! Je suis sûre que la qualité de ce genre de gâteau se juge au bruit qu’il fait quand on s’y attaque.
Première bouchée. Verdict? Une texture onctueuse et aérienne à la fois, une sensation de mousse, une note sucrée très légère et un petit goût de crème. Toutefois, le réchauffage a donné au gâteau un petit quelque chose qui me rappelle légèrement le goût du soufflé au fromage, dont je ne suis pas particulièrement fan. Vous allez peut-être trouver ça curieux mais j’ai un mauvais souvenir d’un soufflé au fromage que j’ai mangé un soir, alors que je regardais l’épisode le plus tragique de Loïs et Clark : Les nouvelles aventures de Superman (celui où Superman doit quitter la Terre pour sauver sa planète natale). Il m’était resté en travers de la gorge! Depuis, même si Clark Kent est revenu sur Terre et qu’il s’est marié avec Loïs Lane, j’ai toujours du mal avec les soufflés au fromage.
Pour en revenir à nos moutons gloutons, après cette première part de cheesecake, je suis encore sur ma chaise et Jc aussi. C’est vrai que c’est un dessert agréable et surprenant à la fois, mais il n’y a pas de quoi fouetter un canard laqué!
Etape 4. Re-goûter.
Avant d’émettre un avis définitif sur le cheesecake japonais, nous nous resservons une petite part au petit déjeuner suivant. Si Jc s’en tient à la version chaude du gâteau, avec un peu de confiture en plus, je tente l’expérience de la version froide. Miam, c’est très bon. Exit la sensation de soufflé au fromage! Le moelleux est toujours bien présent et en plus, on y gagne une sensation de fraîcheur onctueuse. Validé!
Etape 5. Conclure.
Si le cheesecake japonais ne nous a pas fait tomber de notre chaise au point de nous rouler par terre, nous validons toutefois ce dessert, pour ses notes peu sucrées, ses ingrédients simples et surtout sa texture incomparable, aérienne et onctueuse. Si un jour j’avais l’occasion de mordre à pleines dents dans un nuage, j’aimerais qu’il ait ce goût-là…Une fois encore, la pâtisserie asiatique nous aura agréablement surpris (relisez notre article au sujet de la pâtisserie Cocobun).