Quotidiennement, nous sommes témoins ou victimes d’un excès de gentillesse ou de courtoisie de la part de la gente québécoise. Vous devez vous dire que ce genre de comportement doit être difficile à supporter, surtout quand on sait que le Français de base a tendance à être spontanément grincheux, malpoli et éternellement insatisfait…Bon d’accord, je caricature peut-être un peu. Le Français peut tout à fait être avenant et civilisé mais outre-atlantique, c’est un fait encore considéré comme une légende urbaine. Notre réputation n’est pas des plus glorieuses, ce qui explique d’ailleurs pourquoi autant de gens ici (en dehors des français!) auraient préféré que la Croatie gagne le mondial de foot dimanche dernier!

Depuis quelques mois déjà, il y a un thème que je voulais aborder sur ce blog. Cette réflexion sur la gentillesse des québécois est une bonne occasion de rédiger enfin cet article.

Comme vous le savez, depuis que nous sommes à Montréal, notre quotidien, c’est le métro. Mais saviez-vous également que notre Quotidien, c’est le Métro? Rassurez-vous, ni vos yeux ni vos lunettes ne vous font défaut: vous avez bien lu deux fois la même phrase. Sauf que dans le deuxième cas, il s’agit du « Métro », le journal distribué quotidiennement dans le métro.

C’est un petit journal, tout ce qu’il y a de plus classique, dans lequel vous trouverez:

• L’actualité politique de la ville, du Québec et du pays, avec les plans de Valérie Plante pour gérer sa municipalité (car oui, la ville de Montréal est menée d’une main de maître(sse) par une femme!), l’avancée sur la législation du cannabis, l’analyse des conflits sociaux impliquant les infirmières, la Société des Alcools du Québec ou encore Walmart, le géant de la grande distribution;
• L’actualité internationale, bien souvent alimentée par les dernières cacophonies d’un certain Donald mais également consacrée à la politique européenne et même macroniste;
• Une rubrique culture, avec les sorties cinéma de la semaine (le vendredi ici!), les livres à dévorer sur la plage cet été, les festivals à ne pas manquer…On a ainsi pu y lire un petit article consacré à Charlotte Gainsbourg, à l’occasion du Festival de Jazz où elle s’est produite.
• Tout un tas d’idées de voyages, de sorties, de restos à tester d’urgence…
• La recette et la définition du jour;
• De la publicité (forcément!), que ce soit pour vous enrôler dans des essais cliniques, vous faire soigner une mycose du pied (beurk), ou vous faire rêver avec un billet A/R à destination de Paris…
• Une rubrique Opinions, dans laquelle nous apprécions particulièrement les chroniques hebdomadaires d’une certaine Catherine, à l’humour corrosif et aux tournures de phrases bien d’icitte. Voici l’extrait d’un article rédigé quelques jours après la canicule : « Ooooooh douce brise. C’est qu’on la célèbre, quand elle passe celle-là, par les eaux qui courent. Au moment où vous lisez ces lignes, j’ai fui la torpeur assommante du Plateau vers le Bas-Saint-Laurent, la moustache luisante, mais persuadée d’y trouver un abri où les pop-sicles de se cachent pas pour mourir. Un terrier dans la montagne où le t’sour d’une casserole à l’ombre m’apparaissent aussi comme une option valide, pourvu que la brise y souffle. Mais me voilà à présent dans une fantastique roulotte, sourcils au vent de l’Est, à méditer l’audace de la façon dont je trancherai cette pastèque ostentatoire qui me fixe en me faisant des clins d’œil. Quelques heures avant de partir pour cette bonté de petite fraîche du soir, ne me supportant plus la cuisse, j’ai fait halte à la piscine publique tout en face de chez moi. Une merveille où il fait bon se tremper le cuir par jours de cuisson. Toute petite mais guillerette avec ses parasols jaune canari, encerclée d’une vaste zone bétonnée et lisse où les plaisanciers du pas creux peuvent s’échouer sur leur petite serviette PEPSI. UNE MER de gens-vapeurs, cordés comme des otaries qui se dorent la panse en savourant le plaisir de ne pas être après changer le toner de la photocopieuse (…) » (Extrait de Joli Vent, Chronique La Bise de Catherine Ethier, Journalmetro.com du Week-end 6-8 Juillet). Vous n’avez pas tout compris? Nous non plus mais c’est aussi pour ça qu’on l’adore!

Et bien entendu, comme tout journal qui se respecte, vous trouverez dans le Métro des petites annonces, avec notamment la rubrique Métro Flirt: Quelqu’un a attiré votre regard? Vous désirez le ou la revoir? Ecrivez-lui et consultez les messages sur journalmetro.com/flirt. Surveillez bien cet espace, on parle peut-être de vous!. Et figurez-vous que même à notre époque, ces petites annonces fonctionnent du tonnerre! Les gens s’écrivent, se répondent ou s’encouragent (par souci d’autenticité, je n’ait pas corigé les faute dans les exemples qui suives ah, ah, ah):

• « Beauté fatal – J’étais dans le deuxième wagon, dans la cinquième chaise, dans la ligne orange à 15h quand un coup de foudre me frappe. Je te voit assit dans la huitième chaise à gauche, te tourner en flippant tes beaux longs cheveux doré et nos yeux se croisèrent. Je sais déjà le nom de notre futur enfant. »
• « À la belle petite femme blonde aux yeux bleus : Nos regard se sont croisé à l’arrêt de l’autobus 18 beaubien coin 39 ieme et beaubien le jeudi 12 juillet vers 6hpm tu etit habiller en sport chandail nike gris jogging noir. Dans l’autobus nos regards se sont ouvert croisé j’aimerai pu voir discuter avec toi fait moi signe si tu te reconnais 🙂 Au plaisir! »

Au-delà de la drague qui frise parfois le baratinage, certains voient cette rubrique du Métro Flirt comme une page sur laquelle épancher leurs réflexions existentielles. D’autres en profitent également pour faire des réflexions tout court, à l’adresse de certains usagers…mais en maniant l’art de le faire avec courtoisie et gentillesse! Voici un exemple de petit mot à l’attention d’une personne qui semble déclarer un peu trop souvent sa flamme dans les lignes du Métro: « Anon, Tu as l’air de chercher beaucoup de personnes différentes ici, Anon…Y aurait-il un manque important à combler dans ta vie à ce point? Ça frôle le gros manque d’attention…d’instabilité…Je suis certaine que beaucoup comme moi l’ont remarqué…Ne sois pas offusqué(e) de mon message, ça ne se veut pas blessant…mais écrire des messages ici parce que tu as remarqué de nouveau tout à coup…ça fait bizarre un peu…Change de pseudo un peu, on voit « Anon » tout le temps! Sans méchanceté, le 12 juillet 2018. » Et après vérification, en feuilletant les quelques journaux que nous avions à la maison, nous en avons conclu qu’Anon semblait effectivement être un(e) serial lover...

Mais cette semaine, nous avons découvert que le Métro Flirt pouvait aussi servir à présenter des excuses, ou à les accepter :

• « Métro Baubien, Vendredi 9 Juillet 20h00 – Pour la personne qui se trouvait près des tourniquets et en bloquait légèrement l’accès pour sortir du métro. Je t’ai percuté sans m’excuser en sortant du métro car j’étais dans ma bulle. Je veux simplement m’excuser pour mon manque de respect. Avec simplicité et sincérité : je m’excuse! Sur ce, bonne journée. Bert, le 9 juillet 2018. » 
• « A Bert : Je crois que ton message m’est destiné. Effectivement, j’ai été étonné pour ce comportement et surtout ton sac à dos a faillit me faire tomber…j’ai été habillé en noir. Ce n’est pas grave, c’est apprécié! Bonne journée. femme du métro, 10 juillet 2018″.

Et quand on lit ça, force est de constater que côté Bisounours, on a atteint un très haut niveau!

Conclusion:  Laissons tomber, nous autres français. On est peut-être les champions du monde en foot mais sur le plan de la politesse et de la courtoisie, on peut aller se rhabiller! On ne joue pas dans la même catégorie. Allez ouste, au vestiaire!